(Cet article étant un peu plus long que la moyenne, je me résous à mettre un mini-sommaire en préambule)
> L'esprit du punk
> Quelques musiciens portés sur les arts graphiques
> Quelques artistes qui se sont illustrés avec des groupes
> Quelques hors-sujet savoureux
> Et pour finir...de quoi commencer
L'esprit du punk
Le punk a apporté beaucoup de belles choses à la musique et au rock en particulier.
Il ne me revient pas de toutes les énumérer sur cette page mais on va s'attarder sur celle qui me semble la plus importante : le punk n'est pas réservé à une caste de surdoués.
Vous ne serez jamais les Beatles.
Ni les Beach Boys.
Ni Led Zep.
Vous n'aurez peut-être pas les doigts agiles de Van Halen.
Ou l'inspiration cosmique de Pink Floyd.
Mais, même en étant le dernier des derniers, si vous avez quelque chose à dire, un sentiment ou une émotion à partager vous pourrez toujours être les Ramones, pour peu que vous en ayez l'esprit.
Tant pis si vous ne savez pas mettre des mots dessus.
Tant pis si vous êtes limités techniquement.
Si vous avez l'esprit, vous pouvez être les Ramones.
Et ça, ça change tout.
Comme le disent les Minutemen, des gosses banalement anonymes issus de San Pedro, dans une de leurs chansons :
Our band could be your life
[...]
Punk rock changed our lives
Bref, le punk a apporté beaucoup au rock mais on va voir dans ce qui suit que cet état d'esprit a aussi fait son nid dans les arts graphiques.
Quelques musiciens portés sur les arts graphiques
Oui, on pourrait commencer au XIXe siècle avec Ingres, mais bon... pour l'esprit punk, on repassera.
En revanche, vers la fin du XXe, on dénombre quelques spécimens du gotha indépendant (presque) aussi à l'aise derrière un crayon que devant un micro.
Par exemple, Daniel Johnston.
Le monsieur qui va pas bien et qui chante ses bizarreries avec simplicité et naïveté a un coup de crayon qu'on pourrait qualifier de techniquement pas très évolué.
Voire de carrément débile ou malsain.
Exactement le genre de qualificatif dont on affublait les premiers punks...
(ça se vend aux alentours de 800€ donc on va pas pousser la comparaison plus loin que ça)
Ou Kurt Cobain.
Le monsieur qui va pas bien et qui chante les petites misères de la vie de manière désabusée faisait des petites BD simples, sauvages et efficaces. Comme l'était Nirvana.
Voici un extrait issu de son journal :
Dans la BD toujours, passons maintenant au stade industriel.
Jeffrey Lewis.
Le héros de l'anti-folk a carrément publié son propre magazine BD, Fuff(*).
Que ce soit les histoires de son papa ou son voyage en europe en auto-stop, c'est touffu, bizarre, et tout aussi prenant qu'une de ses compos.
Le regretté Wesley Willis, artiste underground (made in Chicago) atteint de schizophrénie, et ayant peu goûté à la notoriété, explorait quant à lui les marges de manière déconcertante.
Tant au niveau de ses compos au synthé que de ses peintures.
Voici un de ses titres, disponible sur le site de Alternative Tentacles, le label de Jello Biaffra (Dead Kennedys) :
Rock\'n\'Roll Mac Donalds by Wesley Willis
Et voici quelques unes des ses oeuvres, visibles sur ce site :
Plus récemment, le batteur Zach Hill s'est distingué par la publication d'un livre qu'il a lui-même complètement illustré : 'Destroying yourself is too accessible' (mais j'ai pas d'images disponibles, vous m'en voyez désolé).
Et dans un registre plus attendu, on a également des musiciens qui ont fait des pochettes.
Tortoise, par exemple, et la pochette de 'TNT', qu'ils ont dessiné à même la pochette d'un CD vierge.
Ou Joe Baiza, le guitariste de Saccharine Trust, qui a dessiné la pochette de 'Buzz or Howl Under the Influence of Heat' des Minutemen.
Quelques artistes qui se sont illustrés avec des groupes
Si jamais le groupe n'a pas de prédisposition particulière pour les arts graphiques, il peut toujours envisager un "jummelage" au long cours avec un artiste.
La plus célèbre collaboration étant celle de l'artiste américain Raymond Pettibon de son vrai nom Raymond Ginn (oui c'est le frère de qui-vous-savez) avec divers artistes du label SST dont Black Flag et les Minutemen (mais aussi de manière ponctuelle avec Saccharine Trust, les Foo Fighters ou Sonic Youth)
Idem de l'autre côté de l'Atlantique où sévissait un collectif punk anarchiste du nom de CRASS (d'ailleurs récemment remis à l'honneur par un album de reprises de Jeffrey Lewis) souvent illustré par des peintures et des collages surréalistes de Gee Vaucher.
Quelques hors-sujet savoureux
Alors là, on va s'éloigner (un peu) du punk et de son esprit mais je résiste pas au plaisir d'évoquer quelques curiosités.
Par exemple, feu Don Van Vliet alias Captain Beefheart.
Le captain, en plus de ses inclinaisons originales en matière de musique, a un coup de pinceau très avant-gardiste. Matez-moi donc ça.
Ou encore Robert Crumb qui n'est plus à présenter en tant que dessinateur mais dont la double vie de musicien de bluegrass mérite d'être signalée.
Ou ce talentueux dessinateur français dont les talents de guitariste n'ont jamais été révélés au grand public 🙂
Si vous voyez d'autres illustres spécimens, hésitez pas à partager, on en est friands...
Et pour finir... de quoi commencer
Pour finir, je vous invite à vous pencher sur le plus punk de tous les dessinateurs qu'il m'ait été donné de voir.
Quentin Blake.
L'illustrateur de nombreuses nouvelles de Roald Dahl est un authentique keupon.
En témoigne son livre (écrit par John Cassidy) pour se mettre à dessiner sans se soucier des divers petits barrages techniques qui encombrent l'apprentissage.
(En français, ce livre s'appelle Dessiner, une méthode pas comme les autres)
De leur propre aveu, leur méthode s'apparente à du jazz mais difficile de ne pas penser au punk quand on lit les lignes suivantes :
Nous privilégions dans ce livre une approche de l'art optimiste et décomplexée
[...]
il vous faut respecter les règles [...] mais pas au point de perdre l'énergie et le plaisir, ni de vous priver d'une interprétation personnelle quand la réalité est trop contraignante
Alors voilà, si jamais vous avez l'esprit de Quentin Blake avec vous, que ce soit avec une guitare ou un crayon, lancez-vous !
(*) A la faveur d'une première partie de Stephen Malkmus à La Maroquinerie où Jeffrey vendait aussi ses comics, votre serviteur s'est permis de demander au mister quel numéro de Fuff était le meilleur pour commencer. Apparemment, c'est le #5 mais c'est vraiment une sale question donc je serais pas surpris qu'il en désigne un autre si on lui redemandait aujourd'hui...