The Strangest Tribe

mardi 4 août 2020

Aujourd'hui, cet obsédé de Santiago va vous tenir la jambe avec un livre qui parle de musique à Seattle. Ouais, encore...

Cette fois-ci, la grande tapisserie qui raconte l'histoire du grunge est enrichie par un dénommé Stephen Tow et son livre s'appelle "THE STRANGEST TRIBE : How a group of Seattle rock bands invented grunge".

Apparemment, il l'a mauvaise de voir que pas grand monde s'intéresse au Seattle d'avant "le phénomène grunge". Il semble notamment avoir pris en grippe une petite phrase au début de l'excellent documentaire "Hype!" où un intervenant (Steve Fisk je crois) en parle en qualifiant le pre-grunge de "lame".

Le point non négligeable de son approche est qu'il n'est ni journaliste, ni un témoin direct ou un fan de la première heure, c'est surtout un historien de formation. Du coup, il avance plutôt méthodiquement et répertorie tous les petits changements à l'échelle de la ville qui, petit à petit, la rendront euh structurellement mûre pour permettre l'émergence d'une scène.

  • les différentes zones musicales de Seattle qui se font et se défont au fil du temps. Le quartier de la fac (U-Dub), Capitol Hill, Pioneer Square. Les metalleux de la classe moyenne dans les banlieues de l'est (beaucoup de reprises, peu de compos mais un niveau technique pas vilain)
  • les salles qui se créent, les "all-ages" qui vont et viennent : The Bird, Showbox, etc.
  • les fanzines, magazines et radios qui soutiennent (ou pas, bonjour Charles R. Cross) la scène locale
  • les labels : Popllama, C/Z...
  • les groupes bien sûr : Blackouts, 10 Minutes Warning, Young Fresh Fellows, les Squirrels, Fastbacks, U-Men, Green River, Malkfunshun et tant d'autres
  • les tourneurs qui font venir des "gros" groupes de punk et post-punk permettant ainsi d'apporter un peu d'oxygène à cet espace-temps musical plutôt verrouillé qu'est Seattle dans les '70-'80 (le coin perdu en haut à gauche des USA est plus difficile à irriguer que les autres centres musicaux historiques)

Au niveau musique, il documente presque toutes les tentatives ayant eu lieu ainsi que leurs déclinaisons : glam, punk, hardcore, post-punk, power pop, simili Paisley underground, folk, oh un groupe super bon qui s'appelle Myth et qui deviendra Queensryche

Et il illustre bien le passage du "Seattle Syndrome" à la fierté régionale promue très tôt par Bruce Pavitt dans Sub Pop, son fanzine/émission de radio/édito qui allait devenir label.
Le Seattle Syndrome, si vous vous demandez, c'est le nom d'une compile sortie en '81 regroupant des groupes de Seattle mais c'est surtout cette espèce de loi qui voulait qu'un groupe du coin doive quitter Seattle pour réussir. Dit comme ça de nos jours, ça peut paraître étrange parce que les groupes continuent à s'établir à Seattle pour faire carrière (même 30 ans après la vague grunge) mais à l'époque, les groupes de la ville qui en voulaient partaient pour Boston, Los Angeles, San Francisco ou New-York (spoiler alert : en général, ça leur réussissait pas).

Parmi tous les atouts de ce livre, je vous fais un inventaire à la pépère : il met bien en lumière l'apport d'Olympia (KAOS, Op magazine, K records), il fait (re)vivre les balbutiements des futures demi-légendes de "la scène" (Mark Arm et Tad Doyle à la batterie, si jamais je l'avais déjà su, je l'ai oublié) et tord le cou à l'image "dark et torturée" qui a déteint sur Seattle suite au storytelling grunge officiel (beaucoup de traits d'humour, de potacheries et de happenings débiles sont cités).

Et, petit bonus appréciable, il n'oublie jamais de mentionner ces petits riens qui deviendront des grandes histoires : tiens, Chris Hanzsek ouvre le studio Reciprocal Recordings, tiens Susan Silver aide son mec de l'époque à repérer des groupes de punk pour sa salle de concerts, etc.

Pour la faire courte, il étudie tous les ruisseaux, quelle que soit leur taille. Tout en sachant (et nous avec lui) qu'au bout du bout, il y a un grand fleuve qui nous attend. Son aval a très souvent été étudié, l'amont très peu et on peut remercier Stephen Tow de s'y être collé.

Bonne lecture (et probablement bonnes vacances) 🙂


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